Les livres rendent-ils autiste ? C’est probable. Le plaisir de la lecture est souvent solitaire : il enferme celui ou celle qui s’y livre dans l’univers d’un(e) auteur(e). Dans Die Blendung, littéralement «L’aveuglement», Canetti décrit la vie de Peter Kien, sinologue émerite, dans la Vienne (?) du début du XXème siècle. Fou des 25’000 volumes que comptent les quatre pièces de sa bibliothèque, il en a condamné les fenêtres et ouvert le toit pour gagner de la place de rangement. Kien est un misanthrope, un handicapé social qui s’enfonce dans la folie des livres, accumulant des connaissances insensées.
Il se lie à Thérèse, d’abord sa femme de ménage puis légitime, mais seulement pour s’occuper des quelques contingences terrestres auxquelles il ne peut échapper. Sans émotions, ni émois, Kien laisse Thérèse prendre le contrôle de la bibliothèque, donc de sa vie. Chassé de chez lui, il erre dans les rues en compagnie de personnages hauts en couleurs, dont un nain bossu ou le concierge de l’immeuble, policier à la retraite. L’idéalisme de Kien contraste avec le côté terre à terre de Thérèse. Ainsi, iI s’investit de la mission de racheter les livres avant que ceux-ci ne finissent chez le prêteur sur gage. Jusqu’au jour où c’est Thérèse qui arrive pour mettre en gage quelques-uns des 25’000 livres… Canetti lance quelques missiles misogynes avant de laisser partir en flammes le sujet de son roman. Le livre débute bien mais devient hélas laborieux. L’intrigue s’enlise.
Die Blendung est paru en 1936 à Vienne. Il est à vrai dire le seul roman de Elias Canetti, plutôt à classer comme essayiste pour le reste de son oeuvre.
Traduit en français par Autodafé, au vu du sort de la bibliothèque, le titre ferait également référence, selon son auteur, à la montée du nazisme. Responsables du génocide des Juifs d’Europe et de crimes contre l’humanité, les nazis avaient également un goût prononcé pour l’immolation des livres comme montré ici.
Die Blendung, Elias CANETTI,
Édité par Fischer Verlag, Frankfurt am Main, 2004, 554 pages.
8 ans dans la pile d’attente.